Qui connaît Klaus Iohannis ?
Pourquoi ne pas parler, de temps à autre, des bons élèves ?
Vous avez forcément entendu parler d’Alexis Tsipras. Mais qui connaît Klaus Iohannis, président de la Roumanie, élu quelques mois avant son homologue grec ? Pourquoi ne pas parler, de temps à autre, des bons élèves ? Un pays au PIB comparable à celui de la Grèce se transforme à grande vitesse, offrant aux Balkans un contre-modèle de développement.
Car depuis quelques mois, une vague anti-corruption sans précédent fait trembler l’establishment bucarestois. Sous l’impulsion des juges de la section anti-corruption (DNA), un bon millier de hauts-fonctionnaires, maires, députés, sénateurs, procureurs et ministres se sont retrouvés sous les verrous, dont l’ancien Premier ministre Adrian Nastase. Les oligarques les y ont rejoints, tels Gigi Becali, propriétaire du club de foot Steaua Bucarest et spéculateur immobilier aux pratiques douteuses, ou Adrian Sarbu, mogul des médias, convaincu d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent.
Victor Ponta, l’actuel Premier ministre, a lui-même été inculpé le mois dernier ; après une étrange retraite médicale en Turquie, il a dû démissionner de la présidence de son parti. A l’image de la Géorgie de Saakachvili il y a une dizaine d’années, la Roumanie semble en train de mener sa révolution culturelle contre la «spaga», cette forme endémique de corruption qui a bloqué la plupart des grands projets d’infrastructure soutenus par l’Union européenne.
La Commission européenne reconnaît là une «formidable dynamique», langage pour le moins inhabituel dans ses austères rapports. Et le département d’Etat américain a décerné à la juge Laura Kosevi, charismatique patronne du DNA, la médaille internationale des «femmes de courage». Après trois quarts de siècles d’épreuves, la Roumanie serait-elle en passe de redevenir notre «sœur latine», selon l’expression de Paul Morand, et Bucarest le «petit Paris» de la Belle Epoque, moteur de tant d’échanges culturels entre nos deux nations ? Morand voyait également dans la Roumanie «une terre tragique où souvent tout finit dans le comique».
Où d’autre, en effet, les prisonniers peuvent-ils obtenir une réduction de peine… en écrivant des livres ? Une astuce que les hommes politiques ont abondamment exploitée derrière les barreaux, publiant environ deux cents ouvrages l’année dernière. Le député Vasilescu, condamné pour trafic d’influence, détient la palme de la graphomanie avec neuf livres en deux ans, sur des sujets allant des relations sino-roumaines… à l’éthique parlementaire !
Cette réaffirmation progressive de l’Etat de droit n’est bien sûr pas l’œuvre du seul Klaus Iohannis, mais l’élection surprise d’un membre de la minorité germanique, qui a fait de la lutte contre la corruption l’élément central de son programme, a contribué à renforcer l’impression de sérieux et de détermination au sommet de l’Etat. Le nouveau Président s’est employé à soutenir les juges du DNA, notamment en empêchant les députés de se voter l’immunité.
Economiquement, en dépit de récents revirements, la Roumanie a avalé sans mot dire la potion du FMI. Résultat, la dette publique s’est stabilisée à 40% du PIB, le chômage est descendu sous la barre des 7%, et le FMI prévoit près de 3% de croissance l’année prochaine. En janvier dernier, Klaus Iohannis avait affirmé à Jean-Claude Juncker son intention de rejoindre l’eurozone. Un de perdu, dix de retrouvés ?